Méthode de Singapour : des forces mais aussi des faiblesses

La méthode de Singapour est certes un bon outil, mais non universel.

Ainsi, cette méthode ne correspond pas complètement à la « tradition » française des mathématiques.

Elle demande donc à être systématiquement complétée par l’enseignant qui l’utilise. Notamment en géométrie, mais aussi en calcul (par la verbalisation plus importante des raisonnements, par la préparation à la démonstration mathématique, par d’autres possibilités d’énoncés et de schématisation…).

Voyons cela en détail.

Méthode de Singapour : de quoi parle-t-on ?

Créée dans les années 1980, la méthode de Singapour fut mise au point par une équipe de chercheurs appelés par le Ministère de l’Éducation Nationale de Singapour. Son but est de rendre l’enseignement des mathématiques plus performant.

la méthode de Singapour fut inventée à Singapour

Son nom, méthode de Singapour, lui a ensuite été donné par les USA lorsqu’elle fut exportée dans les autres pays.

Aujourd’hui, il existe une version française pour la maternelle et le primaire. Celle-ci se veut adaptée aux programmes français et au fonctionnement français de la numération et de l’apprentissage du raisonnement.

Pour le collège en revanche, le contenu de la méthode de Singapour est trop éloigné de ce qui est attendu de l’enseignement des mathématiques en France. Elle s’inspire des programmes anglo-saxons.

Méthode de Singapour : une pédagogie éprouvée

La méthode de Singapour donne d’excellents résultats dans nombre de pays asiatiques. C’est la raison de l’engouement actuel des enseignants français pour cette méthode « clé en main ». Elle permet de mener des séances de mathématiques d’un bout à l’autre à partir d’une pédagogie éprouvée.

Le grand principe de la méthode de Singapour est celui des trois piliers de l’approche mathématiques : concrète (manipulation) → imagée (représentation) → abstraite (« mise en nombre »).

Ainsi, avant de passer à l’étape du calcul mathématique abstrait, l’élève est invité à « modéliser » la situation rencontrée au moyen d’un schéma (le plus souvent un schéma en barres qui fonctionne pour les 4 opérations : « des parties dans le tout »).

Méthode de Singapour – modélisation de l’addition et de la soustraction
Méthode de Singapour – modélisation de la multiplication et de la division

Vient en dernière place la « verbalisation » pour expliquer ce que nous enseigne le schéma. Cette étape n’est pas le cœur de la méthode ; et il s’agit souvent dans les faits d’une simple phrase de conclusion.

Les principales forces de la méthode de Singapour sont connues :

  • Le passage du concret à l’abstrait est un des principes pédagogiques les plus anciens et universels. La manipulation systématique est donc gage de réussite.
  • Par ailleurs, l’apprentissage de la numération en parallèle de celui de la résolution de problèmes permet de faire des connexions entre les différentes notions apprises.
  • Les techniques opératoires utilisées sont basées directement sur la manipulation et sont donc porteuses de sens. Il ne s’agit pas de simples mécanismes (en particulier la soustraction à retenue et la division). L’élève peut ainsi comprendre le sens profond des opérations mathématiques qu’il effectue.
  • Un niveau exigeant qui permet de tirer les élèves vers le haut.

La méthode de Singapour a donc le mérite de remettre au goût du jour des méthodes parfois trop délaissées dans les classes.

Méthode de Singapour : une méthode parfois mal utilisée et certainement incomplète

Mais la mise en œuvre de cette pédagogie en France depuis plusieurs années laisse apparaître des manques non seulement par rapport aux exigences du système scolaire français, mais plus profondément en lien avec le mode de raisonnement français.

Il existe deux types de « défauts » liés à la méthode de Singapour : les défauts de mise en œuvre de la méthode au sein des écoles et les défauts structurels d’incompatibilité avec le mode de pensée français.

Une mise en œuvre approximative :

  • Alors qu’elle exige une formation et une démarche précise de la part du professeur, la méthode de Singapour est souvent utilisée sans formation préalable suffisamment sérieuse, voire sans consultation du guide pédagogique. Elle est donc dévoyée.
importance de la manipulation dans la méthode de singapour
  • Le manque de matériel dans les écoles qui l’utilisent est souvent réel et la partie manipulation est réduite, voire supprimée. C’est l’essence même de la méthode qui disparaît. Les manuels sont donc utilisés comme simple « banque d’exercice » choisie parmi d’autres sur sa simple réputation ou en raison d’une progression plutôt cohérente.

Les manques structurels :

  • le manque de géométrie des premières éditions en français est réel. Les rééditions suivantes ont voulu pallier ce manque, mais cela reste insuffisant en regard de ce que l’on est droit d’attendre d’élèves en CM1-CM2.
  • au moins dans les premières éditions, il existe un problème de notation (notion de nombres mixtes) : dans la méthode de Singapour 2 ¼ sous-entend 2 + ¼ alors qu’en France, 2 ¼ sous-entend 2 x ¼.
  • le travail sur les fractions devient trop rapide à partir du CM1 : les enfants ne sont pas tous assez mûrs pour aborder les changements de dénominateurs, les simplifications trop complexes, les additions de fractions avec dénominateurs différents, les multiplications de fractions.
  • les choix ambitieux de la méthode de Singapour ne correspondent pas toujours à la maturité des élèves. En particulier, l’approche de la soustraction comme la partie d’un tout est souvent hors de portée pour les élèves auxquels cela proposé et dont le développement cognitif n’est pas encore suffisant (CE1-CE2).
  • l’aspect très intuitif des résolutions de problèmes ainsi que la modélisation limitée au modèle de schéma en « barres » empêchent le raisonnement de se mettre en place chez certains élèves.
le raisonnement étape par étape manque parfois dans la méthode de singapour

En effet, on croise parfois dans les classes des élèves reproduisant indéfiniment le schéma « en barre » en se bornant à changer les quantités données dans l’énoncé, mais sans comprendre ce qu’ils schématisent. Ces mêmes élèves se retrouvent totalement perdus si la forme de l’énoncé change quelque peu.

En CM2 par exemple, dans la méthode de Singapour, il y a peu de problèmes pour lesquels on attend une solution rédigée, détaillée en plusieurs étapes de raisonnement, avec des phrases précises. D’où parfois des difficultés rencontrées par certains élèves lors du passage au collège où il leur sera demandé de démontrer en rédigeant.

Une méthode uniforme pour tous les enfants…

  • La méthode est unique et ne prend pas en compte les différentes approches cognitives. Il y a donc peu de place accordée aux élèves ayant un profil différent (élèves présentant des troubles d’apprentissage « dys- », « hauts potentiels qui ont besoin d’apprendre à mettre des mots sur leurs fulgurances mathématiques et à expliquer leur raisonnement, élèves peu enclins aux mathématiques…). L’apport des découvertes des neurosciences ne semble pas toujours pris en compte.
  • Au primaire, seule la rigueur est enseignée. La souplesse nécessaire pour conceptualiser, émettre des hypothèses afin de trouver une solution au problème, chercher, exercer sa curiosité mathématique est laissée de côté.

Conclusion :

La méthode de Singapour est un outil intéressant.Comme toujours, le rôle pédagogique de l’enseignant qui s’adapte aux élèves et cherche à développer tous les aspects de l’intelligence reste prépondérant.

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2 réflexions sur « Méthode de Singapour : des forces mais aussi des faiblesses »

  1. Merci pour cet article très intéressant. Je suis rassurée de voir confirmés mes doutes concernant cette méthode que j’ai vu utilisée à l’école et dont je me sers maintenant pour une partie de mes enfants en IEF.
    J’ai franchement eu l’impression qu’en classe mes deux aînés n’ont fait que les exercices, sans la présentation pédagogique ni la manipulation préalable. Donc, pour mon aîné en tout cas, il n’a développé aucun raisonnement mathématique, a de grosses lacunes et ne fonctionne que sur ce dont il se rappelle vaguement (cela dit, tout n’est pas forcément uniquement imputable à la méthode Singapour)

    Maintenant que j’utilise moi-même cette méthode je me rend compte, en effet, du décalage entre le degré d’abstraction attendu et le niveau des enfants ; ma fille en CE2 a encore du mal à passer de la manipulation à l’écriture des opérations correspondantes ; du coup, elle développe une phobie du schéma en barre auquel elle ne comprend rien ! cela la bloque complètement même sur des exercices simples. Alors nous faisons sans et je lui montre à la fin comment on peut aussi représenter le raisonnement et le résultat avec ces fameuses barres …. bref, je garde donc Singapour comme trame (vu l’investissement !!!) mais je complète.

  2. Merci pour ces réflexions.
    J’ai moi-même utilisé pour mes enfants cette méthode et je rejoins tout à fait les constats évoqués. Après différentes recherches, je suis tombée tout à fait par hasard sur les livres de GRIP éditions et ai retrouvé une méthode qui correspond complètement à la « tradition » française des mathématiques. De même, ils prônent l’écriture lecture pour l’apprentissage de la lecture, méthode alphabétique tout aussi dans la tradition française (voir le Dictionnaire pédagogique de Ferdinand Buisson) . Mon aîné a vite adhéré au Compter Calculer en reprenant en cours de CE2, ma cadette a démarré avec Compter Calculer au CP et j’ai pu lui faire de très nombreuses manipulations clairement expliquées dans le livre du maître mis à disposition gratuitement. La méthode de Singapour semble bien pauvre a côté.

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